Un petit article critique de la Tribune de Genève. ...
http://www.tdg.ch/pages/home/tribune_de_geneve/l_actu/economie/detail_economie/(contenu)/143312Les supercarburants chic et chers n'ont rien de superMARKETING | 00h05 Les pétroliers BP et Shell vantent les vertus de leurs carburants premium. Dans les faits, les différences sont difficilement mesurables. Ils peuvent même provoquer une consommation accrue.
©Chris Blaser | Jean-Luc Ecuyer a testé la consommation de sa voiture avec l'essence BP Ultimate.
FRANÇOIS PILET | 10 Octobre 2007 | 00h05
Malgré des prix records à la pompe, un nombre croissant d'automobilistes suisses se laisse tenter par de nouveaux types de carburants chics, chers et verts présentés comme «révolutionnaires» par les deux premiers distributeurs du pays, Shell et BP. Vendus jusqu'à 14 centimes de plus que l'essence sans plomb ou que le diesel traditionnel, ces supercaburants n'ont en fait rien de super, la seule différence notable pour l'automobiliste étant le montant payé à la caisse.
Déjà très répandus en Europe, ces «produits premium» ont fait une arrivée tardive en Suisse. Le néerlandais Shell y vend son V-Power 100 et son V-power Diesel depuis deux ans. Il a été rejoint cet été par BP avec les marques BP Ultimate SP 98 et Diesel. En France, ces produits assureraient déjà 40% des revenus de BP et groupe viserait un objectif de 20% en Suisse.
A en croire les campagnes publicitaires, ces carburants high-tech feraient du bien à la planète, mais aussi à votre voiture, en réduisant la consommation et en dégageant moins de CO2. Des additifs et un taux d'octane plus élevé garantiraient une meilleure combustion, une lubrification parfaite et déboucheraient les sinus de l'injection. Ce miracle serait bien sûr issu de la recherche pour la Formule 1 qui donnerait au V-power de Shell des qualités «exceptionnelles» dont «une meilleure accélération, d'avantage de performance et plus de puissance». Le groupe britannique promet également que l'Ultimate «peut vous faire parcourir jusqu'à 36 kilomètres supplémentaires par plein».
Ces affirmations sont remises en cause par de nombreux comparatifs effectués par des associations de consommateurs et par la presse spécialisée en Angleterre, en Allemagne comme en Suisse par le TCS.
Après une batterie de tests sur différents véhicules courants, le magazine britannique What Car arrive par exemple à la conclusion que ces carburants «sont une dépense superflue et qu'aucune influence réelle n'a pu être mesurée, ni sur la consommation, ni sur la puissance». L'Allemand Auto Motor und Sport démonte même l'argument écologique avancé par les pétroliers. Selon le magazine, le BP Ultimate produirait certes un peu moins de CO2 (1,3%), «un résultat beaucoup, beaucoup plus faible que ce qui est suggéré au client». En outre, la quantité de particules produites par le Ultimate diesel serait équivalente à celle d'un carburant normal.
Y croire, ou pas
A l'Institut de recherche sur les matériaux (EMPA) de Dubendorf, on admet que le gain de consommation évoqué notamment par BP, de 1% à 2%, est inférieur à la marge d'erreur des instruments de mesure et qu'une différence ne pourrait être perceptible que sur une voiture de course. Beat Wyrsch, responsable des analyses techniques au TCS, résume quant à lui que «si cela fait plaisir au consommateur de payer plus cher, c'est très bien», mais que son véhicule ne s'en portera pas mieux et ne polluera pas moins.
Ces critiques ne remettent pourtant pas en question le matraquage marketing des deux multinationales. BP et Shell s'en donnent à coeur joie, d'autant que l'industrie n'avait rien inventé de nouveau depuis l'essence sans plomb en 1985.
Des «clients convaincus» sont par exemple cités dans une brochure distribuée par Shell à Lausanne, où l'un d'eux, Ashgan Zaghan, proclame que sa voiture «a des ailes» et consomme moins grâce au V-power décrit comme «tout simplement extraordinaire, fantastique, super bien». Contacté par téléphone, Ashgan Zaghan confirme d'abord son observation, avant de lâcher qu'il «n'y croyait pas au début» et que c'est «un ami à la haute direction de Shell» qui a finalement su le convaincre.