Les hybrides freinent le déploiement des voitures électriques, selon Transport & EnvironmentDans son rapport annuel sur le secteur automobile, l’ONG Transport & Environment plaide pour un durcissement des normes sur les émissions de CO2. Elle dénonce au passage la pollution des voitures hybrides rechargeables.
Accélérer la fin des moteurs thermiques. C’est la principale recommandation de Transport & Environment dans son rapport annuel sur le secteur automobile publié lundi 15 novembre. Comme la Commission européenne, l’ONG suggère de mettre un terme à la vente des voitures thermiques et hybrides dès 2035. Mais l’organisation va plus loin en proposant de supprimer des facilités de réglementation accordées aux industriels.
Dans son plan climat dévoilé en juillet, l’exécutif européen proposait une réduction des émissions de CO2 de 55% entre 2021 et 2030 pour les voitures neuves particulières, afin d’atteindre une baisse de 100% en 2035. « Augmenter l'objectif de 2030 ne suffira pas, car cela ne stimulera les investissements que vers la toute fin de la décennie », estime de son côté Transport & Environment (T&E).
L’ONG propose plusieurs caps intermédiaires : -30% dès 2025 (au lieu de -15% dans la réglementation actuelle), -45% en 2027, -80% en 2030 (au lieu de -55% dans le plan climat de la Commission) et enfin -100% en 2035. Cette feuille de route aboutirait de facto à la fin de la vente des voitures thermiques et hybrides neuves en 2035, qu’elles soient rechargeables ou non.
Les émissions des hybrides sous-estimées
Les hybrides rechargeables, une bonne solution de transition ? T&E déconstruit quelque peu cette idée défendue par la filière automobile française. «Les véhicules hybrides rechargeables émettent deux à quatre fois plus sur la route qu'en laboratoire», pointe l’ONG. Un écart lié au fait que les utilisateurs roulent moins que prévu en mode électrique.
«Selon les mesures du WLTP [la nouvelle procédure mondiale d'homologation des véhicules], les véhicules hybrides rechargeables émettent 72% de moins que les véhicules avec un moteur à combustion interne», rapporte T&E. En conditions réelles, l’avantage ne serait «que» de 37%. «Cela signifie qu'une grande partie de la baisse officielle des émissions n'a pas vraiment lieu sur la route», s’alarme T&E.
Une réglementation qui avantage les véhicules lourds
Ce n’est pas le seul reproche fait aux hybrides rechargeables. Au premier semestre 2021, 64% de ces véhicules immatriculés étaient des SUV. Autrement dit des voitures plus lourdes, moins aérodynamiques et donc plus gourmandes en carburant. Ce point préoccupe d’autant plus T&E que la réglementation européenne prévoit des souplesses pour les véhicules lourds et pour les hybrides. «Les objectifs de chaque constructeur sont ajustés en fonction de la masse moyenne de leur flotte : un constructeur vendant des voitures plus lourdes a un objectif moins strict», rapporte T&E. L’ONG estime que cette disposition a largement stimulé les ventes des SUV en Europe. «Cette tendance des véhicules hybrides rechargeables est préoccupante et retarde l’adoption de solutions zéro émission comme les véhicules électriques à batterie», met en garde T&E. En France, le nombre de véhicules hybrides immatriculés dépasse largement celui des véhicules 100% électriques : 350 339 contre 122 518 sur les dix premiers mois de l’année 2021.
En 2030, « il sera trop tard »
T&E pointe du doigt d’autres «souplesses de réglementation» dans son rapport, notamment la méthode du "pooling" qui permet aux constructeurs de mettre en commun leurs émissions de CO2, comme Jaguar Land Rover et Tesla. Ce dispositif permet aux gros émetteurs d’éviter les amendes. Sans ces souplesses de réglementation et avec un mode de calcul des émissions plus réaliste, T&E estime que 840 000 véhicules électriques supplémentaires auraient pu être vendus en Europe en 2021.
L’ONG met en garde contre les conséquences industrielles d’une transition trop tardive. «Une lente croissance du marché des véhicules électriques dans les années 2020 mettrait en péril les projets actuels d'usines de batteries en Europe», estime l’organisation. «Il sera trop tard pour rattraper ce retard en 2030, car les entreprises asiatiques et américaines, entre autres, prennent déjà une part croissante du marché européen et séduisent les consommateurs dès aujourd'hui», prévient T&E.
https://www.usinenouvelle.com/article/les-hybrides-freinent-le-deploiement-des-voitures-electriques-selon-transport-environment.N1159527