Suite de l'interview qui ne va pas plaire mais qui est lucide et objective :
Vous parlez d’electricgate. Vous êtes donc sûr que la conversion à la voiture électrique n’aura aucun impact sur le CO2?
Je crains même qu’elle ait un impact négatif! La voiture électrique est une très bonne idée pour certains usages. Toute une liste d’usages de niche, dont la somme n’est pas anecdotique. Le problème est que cette solution n’est pas appliquée aux bons modèles: on électrifie majoritairement des bolides, des SUV et des secondes voitures peu utilisées. On oublie les deux-roues, les bus, les véhicules de livraison urbains et les taxis urbains qui parcourent beaucoup de trajets urbains dans la journée. Les scooters électriques devraient être imposés dans les ZFE. La voiture électrique doit être regardé sous l’angle de la pollution plus que du climat, puisqu’elle permet de déplacer la pollution hors des villes, où elle est problématique. Comme une voiture électrique n’a pas de pot d’échappement, on considère qu’elle n'émet rien, et on affecte un chiffre d’émission de 0 g/km, qui est repris par l’industrie. Mais c’est complètement faux! Il faut voir par combien de kilomètres au cours de la vie de la voiture on divise l’impact de la fabrication de la batterie. Et comment est fabriquée l’électricité lorsqu’on se branche, notamment en hiver lorsque les imports d’électricité au charbon augmentent.
Je parle d’electricgate, parce qu’on suit un mauvais chemin pour l’utilisation des batteries, sur des véhicules lourds et des applications peu pertinentes, qui gaspillent les batteries pour des usages peu adaptés. Si vous regardez les kilométrages des Renault Zoé d’occasion, vous constaterez que beaucoup roulent moins de 5.000 km par an, ce qui rend l’amortissement écologique de la batterie impossible. Je pense qu’on va se réveiller le jour où une étude sérieuse sera menée, avec 10 à 20% du parc de voitures devenu électrique, et on va se rendre compte que la pollution urabaine n'aura pas baissé et les émissions de CO2 non plus. Et ce sera également un scandale financier parce que cette transition a été encouragée avec des aides financées par le contribuable. On aura dépensé des milliards pour aucun résultat. Il faut arrêter de vouloir agréger tous les usages dans une même voiture, avoir une autonomie rassurante "au cas où", que l'on utilise rarement.
Quelle solution préconisez-vous? Développer de petits modèles comme la Citroën Ami, par exemple?
La Citroën Ami est une catastrophe écologique! C’est certes une statistique personnelle mais neuf fois sur dix, je vois des lycéens au volant de Citroën Ami. Cela signifie que c’est une voiture en plus dans le parc automobile, qui se substitue au vélo, aux transports en commun ou à la marche à pied. Le problème n’est pas un manque d’offre verte, mais le manque de courage de supprimer les offres noires. Il faudrait créer une nouvelle catégorie de voitures, de moins d’une tonne, à la puissance limitée, qui aurait des péages et une TVA moins chères, à l’image de ce qui se fait au Japon avec les kei cars. Il faudrait interdire les voitures ostentatoires: le bilan carbone d’un SUV de 2 tonnes va au-delà de sa consommation. Nombre de propriétaires de ces autos se pavanent, entraînant une frange de population qui cherchent à leur ressembler. Combien de SUV coréens ont été vendus à des gens qui rêvent d’un Porsche Cayenne mais n’ont pas les moyens de se l’offrir? Il faudrait limiter à 90 km/h les voitures de plus de 1,5 tonne, brider toutes les voitures à 130 km/h pour limiter le surdimensionnement des éléments mécaniques, qui alourdissent les automobiles. Il faut casser la frange haute, minoritaire, mais qui entraîne les autres, et dynamiser la frange basse. Quelle que soit la motorisation, électrique ou non.
Vous êtes une des rares personnes à dire que la solution au problème de la pollution automobile n’est pas forcément liée à l’automobile mais peut également être sociale. Pourquoi ce discours est-il si rare?
Parce que nous vivons dans une société accro à la croissance économique, où chaque nouvelle sortie de produit se traduit par une addition et non une substitution. Nous sommes dans une culture où on nous répète que tous les problèmes sont solubles par l’innovation technologique. C’est une idéologie et l’histoire le montre: on croit résoudre un problème en le résolvant à moitié et en en créant un autre. Vouloir juste résoudre le problème de la pollution en changeant le moteur des voitures participe de cette idéologie. Une certaine forme de décroissance est possible, en repensant les usages, en faisant la balance entre l’essentiel et le reste, et en interdisant les usages les plus gaspilleurs.