Pollution : la bombe à retardement du moteur à essence
En retard d'une bataille, le législateur s'acharne sur un moteur diesel devenu propre alors que les moteurs essence récents émettent plus de particules.
On nous aurait menti ? Voué aux gémonies au moment même où la réglementation lui impose enfin d'être propre, le moteur diesel fait office de bouc émissaire devant un moteur à essence devenu beaucoup plus polluant. C'est ce que fait apparaître une étude récente du laboratoire allemand TÜV Nord, réalisée pour le compte de l'ONG Transport&Environment.
À l'heure où les particules sont sur toutes les langues, l'ONG bruxelloise a sélectionné trois berlines compactes animées par des moteurs à injection directe d'essence - la Ford Focus Tourer 1.0 Ecoboost, la Hyundai i40 Kombi 1.6 GDI et la Renault Mégane 1.2 TCE - pour en mesurer les émissions polluantes. Le résultat est édifiant : sur le cycle NEDC d'homologation actuel, ces voitures essence émettent entre 4 et 8 fois plus de particules (en nombre) que la norme autorisée actuellement... pour les moteurs diesel. Et même jusqu'à dix fois plus pour le moteur Renault 1.2 TCE lorsqu'il est mesuré sur le cycle américain US 06, plus réaliste que l'européen NEDC. Cela en toute légalité, puisque les moteurs à essence n'auront à satisfaire une norme aussi sévère que les moteurs diesel dans le domaine des particules qu'en 2017.
Manque criant d'anticipation
Il s'agit là d'un inconvénient imprévu par le législateur. En voie de généralisation parce qu'elle autorise une augmentation du taux de compression et, par là, une réduction des émissions de CO2, l'injection directe ne permet pas un mélange air-carburant aussi homogène que l'injection indirecte classique. Il en résulte des zones de sur-richesse qui provoquent l'apparition de particules lors de la combustion.
Ce n'est pas la première fois que le législateur se prend lui-même à contre-pied. L'entrée en vigueur de la norme Euro 5, limitant la masse puis le nombre de particules émises par les moteurs diesel, avait entraîné le montage systématique d'un filtre sur la ligne d'échappement de ce type de mécaniques. Mais comme la plupart des constructeurs ont adopté la solution la moins coûteuse du filtre dit catalysé, leurs modèles se sont mis à émettre davantage de dioxydes d'azote (NO2), un autre polluant au moins aussi dangereux pour l'homme que les particules.
Encore un faux pas
Or ces émissions de NO2 ne seront radicalement réduites qu'avec la prochaine salve de normes baptisée Euro6, dont l'entrée en vigueur n'est prévue qu'en septembre 2014 pour tout nouveau modèle, septembre 2015 pour l'ensemble des voitures diesel neuves...
Le problème est que chacun de ces faux pas retarde l'assainissement programmé de l'air de nos mégalopoles d'une quinzaine d'années. Car, sauf mesure brutale et forcément impopulaire d'interdiction de circulation, c'est le temps qu'il faut après la fin de commercialisation de véhicules polluants pour voir effectivement leur nombre diminuer fortement dans le parc automobile roulant, et donc leur impact sur la qualité de l'air se réduire lui aussi.
lepoint.fr