Il faut tordre le cou au bonus CO2
Tout le mal vient d'elle. Une prime fiscale approximative et caduque sur la pollution des véhicules.
L'effet pervers, vous connaissez ? Dans le monde de l'automobile, il sévit depuis deux décennies avec l'instauration des normes anti-pollution. En ne prenant en compte que le seul CO2 et pas les quatre polluants principaux que tout moteur thermique émet, le système français du bonus-malus a orienté, à tort mais délibérément, les achats sur le gazole. Que les Verts réalisent, après un silence coupable, leur erreur voire leur laxisme est assez confondant.
Et cela ne justifie en rien que Jean-Vincent Placé et Jean-Marie Le Guen réclament l'interdiction des centres-villes aux voitures diesel. Un retour de balancier quelque peu excessif et irréaliste, sans doute motivé par une autopromotion verte à la veille de l'ouverture de la conférence environnementale. Gageons qu'elle devance l'interdiction suivante que nous vous prédisons : l'interdiction totale de circuler en milieu urbain avec un véhicule à pétrole.
Onde tellurique
Simplement, si une signature en bas d'un décret est à la portée du politique le plus borné, les conséquences d'une telle décision font figure d'onde tellurique pour l'industrie automobile. La française, notamment, qui s'est érigée au travers de ce bonus en championne, depuis les années 1970, des faibles émissions de CO2.
Observant que le gazole est structurellement plus performant que le moteur à essence sur ce point, PSA mais aussi Renault se sont lancés à corps perdu dans la promotion du diesel. C'était oublier un peu vite les suies imbrûlées, autrement dit les particules et les oxydes d'azote, deux à trois fois plus importants qu'avec l'essence. L'un de ses composants, le dioxyde d'azote, est fauteur de troubles respiratoires sérieux lors des pics de pollution.
Succès exagéré du diesel
Si la connaissance technique de ces problèmes existe, elle n'a pas été entérinée, en France, par un strict respect de la norme anti-pollution qui les prendrait en compte. Les constructeurs, profitant longtemps de cette seule référence du CO2, ne sont ensuite pas restés impassibles. Pour les marchés d'exportation où l'on regarde tous les polluants, ils ont inventé le filtre à particules, à l'efficacité controversée, et plus récemment le piège à NOx, extrêmement coûteux et, de ce fait, impossible à adapter aux petites voitures. Or les Français font un succès très exagéré au diesel, y compris pour de petits modèles qui n'effectuent souvent que des trajets courts, moteur froid en ville, là où ils sont très polluants.
Vouloir comme MM. Placé et Le Guen interdire purement et simplement le diesel, c'est voir le problème par le petit bout de la lorgnette et ne pas imaginer du tout les conséquences que cela implique pour notre société et les constructeurs. La première découvrira ainsi que les camions de livraison, les transports publics, la Poste et les taxis fonctionnent tous au diesel. Les seconds devraient reconvertir leurs usines de moteurs diesel en moteurs essence, ce qui n'est pas plus simple que de convertir une raffinerie à produire plus ou moins de gazole. D'ailleurs, en France, on l'importe, ce qui aggrave encore la trace polluante de ce carburant acheminé après raffinage par supertanker.
Problème de santé publique
PSA, en grandes difficultés, aurait beaucoup de problèmes à revenir en arrière sur le diesel. Mais si c'est un problème de santé publique, on pourra alors ajouter au passif des constructeurs français soutenus par les différents gouvernements, une absence totale et coupable de clairvoyance sur un problème de société.
Il ne faudrait tout de même pas, pour nos gouvernants, scier la branche sur laquelle sont assis de façon instable Peugeot et Renault, et maintenant bon nombre de constructeurs européens. Rééquilibrer le parc automobile en faveur de l'essence apparaît comme un objectif impérieux dont on sait qu'il faudra dix ans pour qu'il atteigne son plein effet. Il faut donc s'engager résolument sur cette mutation de fond, encourager la mise à la casse en expliquant aux usagers que leurs vieilles voitures sont intolérables dès aujourd'hui en milieu urbain. Quelques constructeurs ont anticipé la voiture idéale à prix raisonnable, avec notamment l'hybride - essence ou diesel - qui devrait un jour devenir la règle en ville.
lepoint.fr