Chanter ou conduire, il faudrait peut-être choisir
Par Yves Miserey - le 27/08/2012
Pousser la mélodie au volant perturbe la conduite autant que d'écouter de la musique dans son véhicule.
Il n'y a pas que l'alcool, la fatigue ou le fait de téléphoner qui augmentent les risques d'accident de la circulation. Écouter de la musique en conduisant perturbe aussi le comportement des automobilistes. Tout une série de tests effectués sur des simulateurs de conduite, plus réalistes que la conduite sur ordinateur, l'ont révélé au cours des dernières années. Des chercheurs de l'université Monash (Australie) ont récemment découvert que le fait de chanter au volant modifie aussi les habitudes de conduite («Accident Analysis and Prevention», en ligne).
Contrairement à ce que pourraient imaginer certains, l'impact de la musique sur les conducteurs n'est pas principalement lié aux décibels susceptibles de masquer les bruits extérieurs (Klaxon, sirènes). Non, le danger est ailleurs, comme le soulignent Genevieve Hughes et son équipe. Le fait d'écouter de la musique ou de chanter accapare en effet une partie de l'attention de celui qui conduit au détriment de la route et de ses nombreux dangers. Au lieu de se focaliser sur la tâche principale, le cerveau est mobilisé et distrait par une tâche jugée secondaire mais nécessitant néanmoins un effort supplémentaire non négligeable.
Lors de plusieurs tests sur un simulateur de conduite, les 21 «cobayes» australiens se trouvaient sur autoroute et en milieu urbain. Les analyses ont montré qu'en écoutant de la musique ou en chantant (on leur a demandé pour la circonstance d'apprendre les paroles d'une chanson), leur comportement de conduite est détérioré par rapport à une conduite sans autre bruit que le ronronnement du moteur.
Vitesse irrégulièreD'une part, ils ont tendance à rouler moins vite que la vitesse autorisée ou à avoir une vitesse très irrégulière, tantôt accélérant, tantôt ralentissant. «Sur autoroute, ce type de conduite est dangereux, car il ne permet pas de respecter les distances de sécurité entre les véhicules», souligne Christelle Pêcher, qui a travaillé dans ce secteur de recherche à l'université de Toulouse II-Le Mirail. Autre indice de perturbation significatif de l'écoute ou du chant, la trajectoire de route n'est pas rectiligne. Les cobayes naviguent à l'intérieur de leur voie et ils ont parfois même tendance à en sortir. Enfin, leur temps de réaction face à un obstacle inattendu est diminué.
Les chercheurs australiens ne crient pas à la catastrophe, mais ils invitent tous les amateurs de musique et de chanson à la prudence quand ils prennent le volant. L'écoute de la radio ou d'un CD à l'intérieur d'un véhicule est désormais une pratique généralisée. Une étude anglaise avait montré notamment que toutes les personnes ayant participé à un test de conduite écoutent la radio pendant près de 70 % de leur temps passé en voiture. Les premiers autoradios sont apparus dans les années 1930.
Genevieve Hughes et son équipe veulent maintenant savoir si les perturbations sont identiques selon les types de musique ou de chanson. Ce type de recherche avec simulateurs de conduite nécessite de traiter un nombre colossal de données. «Plusieurs paramètres dans le comportement des cobayes sont enregistrés toutes les 20 millisecondes», souligne Christelle Pêcher. Le laboratoire australien, l'un des meilleurs au monde dans le domaine, a utilisé un simulateur de conduite portable fabriqué par Eca-Faros, une PME française basée à Lannion, leader mondial dans le secteur ainsi que dans les simulateurs de vol.