Concernant les carburants de synthèse obtenus à partir d'algues, il y a plusieurs problèmes :
- ce ne sont pas n'importe quelles algues qui sont utilisables. On estime qu’il existe entre 200 000 et un million de souches de micro-algues, mais seules 30 000 sont décrites et une dizaine couramment utilisées pour la recherche. A l’instar des cultures terrestres, la sélection est essentielle pour atteindre une productivité maximale et devenir rentable. Seules les souches qui se reproduisent le plus vite, synthétisent le plus de biomasse sont viables pour produire du carburant. On va même utiliser des moyens de les booster comme en agriculture intensive. Pour cela, on utiliseles sous-produits, les déchets ou les rejets d’autres industries pour alimenter les micro-algues ou leur environnement de culture...
- Il faut beaucoup d’énergie pour cultiver les algues (a fortiori s’il s’agit de cultures en bioréacteurs fermés pour éviter les contaminations microbiologiques), et aussi pour casser les cellules algales et produire les solvants nécessaires à l’extraction de l’huile obtenue.
- les quantités de Phosphore et d’eau douce nécessaires sont gargantuesques. Or les stocks mondiaux en Phosphore sont très limités et l’eau douce est la denrée la plus précieuse pour l’humanité. Il faut entre 32 litres (dans l’hypothèse d’un recyclage intégral de l’eau) et 3 650 litres d’eau par litre d’algocarburant. Contre 2 litres d’eau par litre d'essence. Et le phosphore est indispensable à la croissance des végétaux, y compris ceux à vocation alimentaire.
- Il faut à la fois un grand site plat (pour installer les bassins), ensoleillé et qui dispose aussi d’une source de CO2 (par exemple une centrale thermique à charbon ou au gaz) et d’une source d’eau douce.
- les émissions produites par les carburants de synthèse restent polluantes comme des carburants fossiles. Trois mélanges de carburants de synthèse ont été testés par l'IFPEN qui en arrive à la conclusion qu'en plus des NOx équivalents, le carburant de synthèse émet plus de monoxyde de carbone (CO) et d'ammoniac. En revanche, les particules fines émises sont considérablement réduites en nombre bien que restant à un niveau jugé important. Toutefois, l'ammoniac (gaz) peut se recombiner dans l'air pour former des particules extra-fines (PM2.5)...
Selon le CEA, les carburants de synthèse peuvent représenter une solution transitoire pour les filières disposant à terme d’alternatives à la motorisation thermique mais peuvent aussi devenir une solution durable pour les filières ne disposant pas d’autres alternatives pour réduire leurs émissions de CO2. Certains secteurs de la mobilité comme les véhicules légers et particuliers bénéficient déjà de moyens de décarbonation efficaces tels que l’électrification de la mobilité légère, par exemple. En revanche, d’autres secteurs tels que la mobilité lourde et longue distance (terrestre, maritime, aérienne), pourront difficilement se décarboner par l’électrification ou l’hydrogène voire nécessiteront 10 à 20 ans pour adapter leurs motorisations et les infrastructures de recharge. Ce sont ces secteurs qui doivent pouvoir bénéficier en priorité des carburants de synthèse, en complément des biocarburants. L’objectif n’est donc pas de concurrencer l’électricité ou l’hydrogène et d’alimenter nos voitures aux e-fuels mais bien de proposer une solution bas-carbone durable pour les secteurs qui ne pourront pas transitoirement ou durablement adopter d’autres stratégies de décarbonation.