L'Europe exige que la France se débarrasse de ses vieilles voitures
Le parc automobile vieillissant, dominé par le diesel, est pointé du doigt pour ses rejets polluants très nocifs. Les voitures les plus dangereuses seront arrêtées lors des pics de pollution.
Le non-renouvellement des voitures françaises a d'autres conséquences qu'industrielles ou économiques. Avec un âge moyen du parc estimé à 8,2 ans, mais bon nombre de véhicules ayant plus de douze ou quinze ans, la qualité de l'air pour la partie liée aux rejets automobiles est particulièrement médiocre. À tel point que l'Europe s'impatiente et menace le gouvernement français de lourdes amendes pour ne pas respecter les recommandations de l'Union sur la qualité de l'air. Le gouvernement a présenté mercredi une série de mesures "d'urgence", dont l'une vise à bannir des routes les véhicules les plus polluants lors des pics de pollution.
"La France ne respecte pas la réglementation communautaire" en matière de qualité de l'air, a rappelé la ministre de l'Écologie, à l'issue d'une réunion du Comité interministériel sur la qualité de l'air où a été adopté ce "plan d'urgence" en 38 points. Cible du gouvernement : les "6 millions de véhicules anciens" qui contribuent à "environ 30 % des émissions de particules des véhicules particuliers et 20 % des émissions d'oxydes d'azote". Autrement dit les vieux diesels non pourvus de filtres à particules et encore moins de filtres Denox qui sont à la fois coûteux et rares sur le marché.
Le plan d'urgence présenté évoque aussi la possibilité de réduire la vitesse sur "certains axes à forte fréquentation", comme sur le périphérique parisien. La mairie de Paris, jamais en retard d'un prétexte et qui a déjà annoncé vouloir réduire la vitesse de 80 à 70 km/h sur cet axe, a salué dans un communiqué une annonce qui va "dans le bon sens".
Sur la question ultra-sensible d'une hausse des taxes sur le diesel, classé comme cancérogène certain par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la ministre a renvoyé le sujet aux conclusions du comité pour la fiscalité écologique mis en place fin 2012. "Cette idée fait son chemin", a-t-elle reconnu, tout en rappelant prudemment que le "débat" n'était pas tranché. Il faudra bien pourtant qu'un ministre dise clairement que la politique d'encouragement en faveur du diesel français conduit aux extrémités vécues aujourd'hui.
12 fois plus de décès que sur la route
Une étude va être lancée pour permettre une "identification" des véhicules les plus "vertueux", globalement les plus récents, qui seront autorisés en cas de pic de pollution, a dit Mme Batho. "Ce n'est pas le retour de la pastille verte", a-t-elle assuré, en référence au système lancé en 1998 par le gouvernement Jospin, mais rapidement abandonné. "Il y a aujourd'hui des techniques plus modernes", a-t-elle ajouté, citant la possibilité de badges ou de systèmes électroniques.
La modalité de la circulation restreinte "dépendra des plans de protection de l'atmosphère" mis en place localement dans chaque agglomération, mais "au minimum, ce sera lorsqu'il y a des mesures de restriction" liées à des pics de pollution, selon la ministre. Elle a confirmé en parallèle l'enterrement du projet de zones d'actions prioritaires pour l'air (Zapa), c'est-à-dire des zones excluant les véhicules les plus polluants, initiées par le précédent gouvernement en 2011.
Parmi les autres mesures figurent l'incitation au covoiturage, le développement des véhicules électriques en ville, mais aussi des initiatives pour réduire les émissions industrielles qui ne sont pas moins responsables, et de loin, que l'automobile et le transport routier. Selon les données officielles, 12 millions de Français ont vécu en 2011 dans des zones où la pollution aux particules fines, émises par nos voitures, mais aussi par le chauffage au bois, l'industrie et l'agriculture, excède les normes européennes.
Les particules les plus fines qui, en ville, proviennent majoritairement des pots d'échappement seraient à l'origine de 42 000 morts prématurées chaque année en France. À comparer aux victimes des accidents de la route, 3 600 en 2012, qui font l'objet de toute la sollicitude de l'État avec une délégation à la sécurité routière et un arsenal répressif qui peut faire penser que l'on se trompe désormais de priorité. Pourtant, les dépassements récurrents dans une quinzaine d'agglomérations des valeurs limites européennes pourraient prochainement valoir à la France, visée par un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne, de lourdes sanctions financières.
France Nature Environnement (FNE) a qualifié d'"anecdotique" la mesure visant à restreindre la circulation aux véhicules "vertueux" aux seuls pics de pollution. "Une mesure plus efficace serait de réserver l'accès aux centres-ville aux véhicules les moins polluants à l'année, comme cela se fait à Berlin", selon son porte-parole Benoît Hartmann.
L'association 40 millions d'automobilistes met, elle, en garde contre tout "clivage social", les véhicules les plus polluants appartenant aux plus modestes. L'association plaide pour "une politique d'incitation au renouvellement des véhicules par le biais d'une prime à l'achat d'une auto d'occasion plus récente et moins polluante". Une solution prônée aussi par Laurent Wauquiez (voir notre article), vice-président de l'UMP, qui, lui, veut soutenir la filière automobile et préserver les emplois.
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