Véhicules diesel : «Certains constructeurs n'ont pas joué le jeu» !
Charlotte Lepitre, membre de la commission Royal mise en place après le scandale Volkswagen, regrette que son objectif n'ait pas été complètement atteint.
En charge des questions de santé à France Nature Environnement (FNE), qui regroupe 3 500 associations, Charlotte Lepitre a fait partie de la commission Royal, créée en octobre 2015 pour tester 100 véhicules diesel, après le scandale Volkswagen. Alors que le rapport final a été rendu le 29 juillet, cette experte raconte comment la montagne a accouché d'une souris.
Comment se déroulait le travail de la commission ?
CHARLOTTE LEPITRE. Entre le 1er octobre 2015, date de son lancement, et le 8 juillet, nous nous sommes réunis toutes les deux à trois semaines. Trente-huit membres avaient été sélectionnés : des représentants d'associations, du ministère de l'Ecologie, de la DGEC (NDLR : Direction générale de l'énergie et du climat),d'agences et instituts techniques ainsi que quatre parlementaires. Premier constat : nous n'étions tout au plus qu'une petite vingtaine en réunion. Et seulement six ou sept à participer réellement à chaque fois.
Les constructeurs ont-ils joué le jeu ?
Certains, comme Renault, PSA ou Opel, oui. D'autres, pas du tout. Les conditions de transparence de la commission se sont nettement dégradées après deux perquisitions aux sièges de Renault, en janvier, et de PSA, en avril. Les cours de Bourse des deux constructeurs ont dévissé, les pouvoirs publics ont pris peur. On nous a fait signer une clause de confidentialité. Les résultats de l'Utac, le laboratoire chargé des tests, ne nous sont plus parvenus qu'au compte-gouttes. La DGEC invoquait des risques de fuite.
Des constructeurs comme Mercedes, mais surtout Volkswagen (VW), ne nous ont pas facilité le travail. Mercedes a envoyé quatorze personnes dont quatre seulement ont pris la parole, uniquement en allemand, en faisant passer des slides en anglais. VW nous a envoyé une lettre d'avocats pour nous rappeler que rien ne prouvait la triche (NDLR : la firme allemande a reconnu par la suite le contraire). Entre les lignes, ils nous menaçaient de sanctions si nous employions certains termes. Qu'est-il ressorti des auditions ?
Les constructeurs ne se soucient pas des performances en utilisation réelle. Lors des tests, des systèmes qui ne fonctionnent que pour certaines plages de températures, entre 17 oC et 35 oC. Loin des conditions d'une utilisation quotidienne et prolongée.
Selon vous, le rapport reflète-t-il le travail de la commission ?
En partie seulement. La ministre Ségolène Royal avait annoncé 100 voitures testées. Mais seulement 86 sont finalement passées entre les mains de l'Utac. Ensuite, le rapport a été finalisé et envoyé sans concertation avec la commission. Nous n'avons pris connaissance des résultats de la totalité des tests qu'à sa publication.
Quel bilan en tirez-vous ?
Au moment du scandale Volkswagen, nous avons été le seul pays européen à réunir une commission. Mais certains constructeurs n'ont pas apporté d'explications suffisantes sur leurs résultats. Et les pressions exercées sur les pouvoirs publics ont entravé la volonté initiale de transparence et d'indépendance.
LE MINISTÈRE des Transports allemand a dénoncé auprès la Commission européenne l'utilisation par le constructeur Fiat Chrysler d'un dispositif illégal concernant les émissions polluantes de voitures diesels sur ses modèles Fiat 500X, Fiat Doblo et Jeep Renegade
http://www.leparisien.fr/economie/certains-constructeurs-n-ont-pas-joue-le-jeu-02-09-2016-6087205.php#xtor=AD-32280599