Extrait d'AutoActu de ce jour, voici une petite mise au point technique de la part d'un ingénieur de chez PSA :
Hybrid Air de PSA, une efficacité liée à la rapidité de stockage et de restitution de l’énergie
Avec un gain de consommation de 45% en cycle urbain, l’hybridation essence/air présentée par le groupe PSA annonce une efficacité qui tient à une "physique de gestion de l’énergie" différente de la batterie électrique, nous a expliqué Karim Mokaddem, directeur du projet.
Si chacun à en tête le nom de Guy Nègre lorsque l’on parle de moteur à air comprimé, l’innovation présentée par PSA n’est pas basée sur un brevet de ce chercheur, nous a dit Karim Mokaddem, directeur du projet Hybrid Air de PSA. "Le seul point commun que nous avons avec ce procédé est le stockage de l’énergie dans un accumulateur. Dans le procédé de Guy Nègre un compresseur extérieur met l’air sous pression, dans notre cas, nous utilisons de l’azote comprimé par l’énergie du moteur thermique", explique Karim Mokaddem.
Schématiquement, le système développé par PSA consiste en une seringue à l’intérieur de laquelle un piston se déplace avec d’un côté de l’huile, de l’autre de l’azote. "Pendant la décélération, l’énergie qui est perdue est utilisée par les composants hydrauliques pour pousser l’huile et comprimer l’azote", explique Karim Mokaddem. L’accumulateur restituant ensuite l’énergie via l’huile pour faire avancer le véhicule.
98% de l'énergie restituée
L’efficacité annoncée par PSA est supérieure à ce que proposent actuellement les véhicules hybrides électriques avec un gain de 45% sur un parcours en ville et 30%/35% sur un parcours global (ville, route, autoroute). "Toute l’énergie que l’on perd en freinage est stockée et restituée. A chaque fois que le conducteur lève le pied ou freine, l’énergie est récupérée dans les accumulateurs en comprimant l’azote. Elle est restituée aux roues en presque totalité à 98%", explique Karim Mokaddem.
A ce très bon rendement s’ajoute une rapidité de mobilisation, en moins de 10 secondes, dans les deux sens, à la fois à l’accumulation et à la restitution, explique le responsable, alors qu’une batterie met plus de temps à stocker et restituer l’énergie. "La physique de gestion de l’énergie est très différente par rapport à une batterie. C’est un système très rapide. Il va tout capter et il n’y a pas de perte d’énergie de décélération", explique-t-il. "Nous avons une fréquence très élevée de stockage déstockage, ce qui explique une très grande efficacité en ville."
Ainsi, l’énergie stockée représente au maximum 35 ml de carburant, ce qui n’autorise que quelques centaines de mètres en utilisation continue en "air" pur. "Si on quitte cette dimension de distance pour raisonner en fonction du temps, sur 1 heure de trajet urbain, le moteur thermique ne fonctionne pas pendant 50 mn en cumulé", nous a expliqué Karim Mokaddem.
1 million de km en simulation, 20 000 km en réel
Pour convaincre les sceptiques, l’équipe met en avant l’homologation d’un véhicule du segment B (C3 et 208) équipé de cette architecture pour une consommation de 2,9l/100 km avec des émissions de CO2 homologuées à 72g et un objectif de 69g à terme.
Pour mettre au point ce système dans le délai court de 2 ans, le groupe PSA a utilisé des outils de simulation qui ont réalisé 1 million de km, tandis que 4 générations de prototypes successifs ont fait au total 20 000 km. Les améliorations à chaque étape ont surtout porté sur amélioration de l’architecture fonctionnelle (dimensionnement et compacité) et le système de pilotage de la technologie qui doit coordonner le moteur thermique, la décélération et les accumulateurs. "En parallèle nous avons développé une boite de vitesse pour gérer toutes ces énergies différentes. C’est un savoir faire important de PSA et cette boite a été conçue, développée et prototypée par les ingénieurs du groupe", explique Karim Mokaddem.
Une technologie identifiée depuis longtemps
On peut se demander pourquoi cette technologie qui avait déjà été testée sur des camions et des bus, n’avait encore jamais été étudiée dans l’industrie automobile. "Cette technologie n’a pas été utilisée mais elle avait déjà été identifiée", explique Karim Mokaddem qui cite des documents internes du groupe PSA datant de 1958 dans lesquels l’ingénieur Citroën, Paul Magès, qui avait fait rouler des 2CV et DS avec des composants hydrauliques estime que cette technologie sera éligible à l’automobile quand des progrès auront été réalisés dans le contrôle de ses composants et du bruit.
Des avancées qui se sont donc concrétisées avec des progrès réalisés sur la capacité de contrôler la gestion des flux d’énergie du système, l’unité de contrôle comprenant du logiciel, des actionneurs et des capteurs. "En parallèle, les composants hydrauliques ont beaucoup progressé en rendement et en compacité", ajoute Karim Mokaddem.
Adaptation en grande série
Le challenge réside désormais dans l’adaptation de cette technologie à la fabrication en grande série sur les sites de production des partenaires (Bosch pour le groupe moteur-pompe hydraulique, Faurecia pour l’accumulateur) alors que les systèmes hydrauliques actuellement produits le sont pour des engins de levage ou agricole.
L’économie du système dépendra également des séries prévues, ce qui devra inévitablement passer par l’adoption de cette technologie par d’autres constructeurs automobile pour justifier l’investissement des équipementiers. C’est en partie une des raisons pour lesquelles après deux années de confidentialité le groupe PSA a fait cette annonce en communiquant sur la faisabilité de l’adaptation de cette technologie au marché automobile. Sur ce sujet, le groupe PSA a d’ailleurs précisé "avoir vocation à travailler avec GM" dans le cadre de leur alliance.
Trouver son marché
PSA qui prévoit une industrialisation en 2016 ne donne à ce jour pas de prévisions de volume. "Les hypothèses qui confortent notre business case restent à valider. L’innovation de rupture doit trouver son propre marché. Elle doit être compétitive et correspondre à la demande", souligne Karim Mokaddem. Les freins dans ce domaine pourraient être l’équipement d’une boite automatique et d’un moteur essence dans une Europe très diéselisée.
Si cette technologie peut paraître farfelue pour certains ingénieurs, ce rejet fait partie "des voiles habituels des ingénieurs", estime Karim Makaddem. Lui-même ingénieur diplômé de Centrale Paris, d’un doctorat de sciences physiques et d’un MBA de la London Business School, a débuté sa carrière à l’Institut du pétrole avant d’entrer dans le groupe PSA en 1999. "Il reste des améliorations techniques à réaliser sur les moteurs thermiques mais on ne remplira pas l’objectif européen de 95g en 2020 uniquement avec le moteur thermique. Ce serait une erreur stratégique de se focaliser sur une technologie. Nous voulons démontrer avec cette innovation de rupture que nous n’avons pas fini d’explorer tous les moyens de propulsion dans l’automobile."
Florence Lagarde