En exigeant de Volkswagen la preuve que les performances de ses moteurs ne sont pas diminuées par leur mise en conformité, Bruxelles en arrive à douter de l'impartialité des autorités allemandes qui approuvèrent cette campagne de rappel. Ambiance.
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Par Eric Bergerolle@EricBergerolle
Le 31.10.2016 à 17h26
En exigeant de Volkswagen la preuve que les performances de ses moteurs ne sont pas diminuées par leur mise en conformité, Bruxelles en arrive à douter de l'impartialité des autorités allemandes qui approuvèrent cette campagne de rappel. Ambiance.

Ce Volkswagen Tiguan de première génération est l'un des quelque 1,23 million de véhicules Diesel que le constructeur allemand annonce avoir modifié à date, en cette fin du mois d'octobre.
(C) REUTERS
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Elle court, elle court, la rumeur ! Jusqu'à Bruxelles, si l'on en croit la lettre que la Commissaire européenne à la Justice et la Consommation Vera Jourova adressait la semaine dernière à l'un des membres du Directoire du Groupe Volkswagen. Alertée par les témoignages d'automobilistes relayés par la presse allemande, la Commissaire demandait au constructeur de nouvelles garanties quant à l'innocuité de sa campagne de rappel. "Volkswagen est tenu de mettre ses véhicules en conformité avec le descriptif de leurs qualités, caractéristiques et performances telles qu'annoncées au moment de leur livraison dans les catalogues et les publicités", rappelait Vera Jourova. La Commissaire voudrait une nouvelle promesse écrite que les moteurs modifiés gratuitement ne verront pas leur consommation augmenter ni leur fonctionnement altéré du fait de leur mise en conformité avec la réglementation. La crainte est que diminuer les émissions d'oxydes d'azote (NOx) n'ait pour conséquence d'augmenter la consommation de carburant, donc la production de dioxyde de carbone (CO2).
C'est pourtant ce que le Groupe Volkswagen promettait déjà une première fois au moment où il soumettait ses mesures pour approbation à l'Office fédéral des véhicules (KBA). Et encore à de nombreuses reprises depuis le début de leur mise en œuvre. De sort que douter publiquement de l'efficacité de la campagne de rappel maintenant que près de 1,23 million de voitures ont été modifiées en atelier revient à mettre en cause la pertinence du jugement des techniciens de la KBA, voire même leur impartialité.
Conflit d'intérêt autour de l'homologation des véhicules
Pour entamer sa carrière commerciale, une automobile doit obtenir son titre d'homologation européen. Ce document atteste que ses caractéristiques sont conformes à toutes les règles en vigueur en Europe, particulièrement celles qui concernent la pollution de l'air. Pour l'heure, il n'existe pas d'institution unique, supranationale chargée de cette mission : chacun des États-membre concède à un organisme — privé ou public — l'autorité nécessaire pour statuer sur cette conformité. En retour, un titre d'homologation délivré par un État-membre s'impose à tous les autres membres de l'Union.
Autrement dit, une nouvelle Peugeot déclarée conforme aux exigences de la norme Euro 6 par les services compétents français (en l'occurrence, ceux de l'UTAC CERAM) est de facto considérée conforme par leurs homologues allemands de l'Office fédéral des véhicules (Kraftfahrt-Bundesamt ou KBA). Et inversement, le titre d'homologation accordé à une Volkswagen par la KBA s'impose à la France qui n'a par conséquent aucun motif d'interdire sa commercialisation. Sauf si elle estime que la réglementation n'est pas respectée, comme dans le cas de l'affaire non résolue du gaz réfrigérant dans le climatiseur des voitures de Mercedes-Benz.
Par commodité, les constructeurs allemands ont pris l'habitude de faire homologuer leurs voitures par les autorités allemandes, les français par les autorités françaises. Logique. Ainsi que nous l'expliquaient les responsables de l'UTAC CERAM rencontrés au mois de février 2016, cela procède d'une saine gestion des affaires : implantés pour leur majorité en Région parisienne, les bureaux d'études des constructeurs français trouvent commode de s'adresser aux services voisins de l'UTAC CERAM implantée au Sud-Ouest de Paris. On les imagine mal expédier hommes et machines outre-Rhin jusque dans les locaux de la KBA pour le plaisir de démentir le vieux soupçon de collusion avec l'UTAC CERAM.
C'est pourtant là que le bât blesse. La révélation aux États-Unis en septembre 2015 de la tricherie du Groupe Volkswagen a mis en lumière des différences de part et d'autre de l'Atlantique. Aux USA, l'agence fédérale de protection de l'environnement (EPA) a toute autorité pour vérifier la conformité des véhicules, non seulement avant leur commercialisation mais aussi durant leur carrière commerciale. Le EPA possède donc toute autorité pour retarder ou bien suspendre la vente d'un modèle.
Point tant en Europe, où la conformité aux normes n'est vérifiée qu'une seule fois, avant la mise sur le marché du véhicule. Et encore, sur un prototype dont on sait qu'il aura été honteusement préparé afin d'optimiser son fonctionnement. Car pour l'heure en Europe, les tests d'homologation se déroulent en laboratoire, voiture immobilisée sur un banc d'essai à rouleaux. Tandis qu'aux USA, la conformité peut être aussi vérifiée sur route, en conditions réelles de fonctionnement."
http://www.challenges.fr/automobile/actu-auto/dieselgate-volkswagen-nie-tout-risque-pour-ses-diesel-modifies-gratuitement_436185#xtor=EPR-2-[ChaActu18h]-20161031