Lu ce matin sur autoactu :
CO2 : Les deux tiers des gains depuis 2008 sont le résultat d'une manipulation des tests
Selon un rapport publié par l’association européenne Transport&Environnement (T&E), l’écart moyen entre les niveaux de consommation affichés par les constructeurs et la consommation réelle des véhicules continue de se creuser pour atteindre 42% et dépasse même les 50% sur tous les modèles du groupe Daimler. Cela signifie qu'aucun constructeur n'a réellement atteint ses objectifs de réduction de CO2.
Les écarts entre les niveaux de consommation homologués par les constructeurs et la consommation en conditions réelles de conduite n’est pas un sujet nouveau. Ils ont d’ailleurs conduit la Commission européenne à remplacer le cycle de conduite NEDC permettant de mesurer le niveau de consommation et d’émissions des véhicules par le cycle WLTP, qui sera plus proche des conditions réelles de conduite. Mais comme le révèle l’étude annuelle (Mind the Gap Report) réalisée par T&E à partir des travaux réalisés notamment par le Conseil international des transports propres (ICCT), l’écart moyen entre les niveaux homologués et les niveaux réels de consommation n'a cessé de se creuser ces dernières années ; il est passé de 9% en 2001 à 28% en 2012 et a atteint 42% en 2015.
En outre, si pendant des années, ces écarts étaient plus importants sur les motorisations Diesel, la dispersion entre essence et Diesel tend à se réduire. En moyenne, les véhicules essence affichent un écart de consommation de 36% contre 42% pour les Diesel. En revanche, "en conditions réelles de conduite, la moyenne des émissions de CO2 de tous les véhicules Diesel neufs vendus en 2015 s’élève à 170 g/km contre 167 g/km pour les véhicules essence. Cet écart en faveur de l’essence est lié au fait que les véhicules Diesel vendus sont plus gros que les véhicules essence donc cela valide l’avantage du Diesel par rapport à l’essence en matière d’émissions de CO2", note T&E.
Daimler de loin le plus mauvais élève
"Daimler est la plus grande déception de l’histoire en matière d’économie de carburant", titre le rapport de T&E. Les écarts chez le constructeur allemand atteignent en effet 54% en moyenne pour les véhicules de sa marque Mercedes et 48% pour ceux de sa marque Smart. Les écarts sont également très importants chez Audi (49%), Volvo (47%), Mini (45%) et Peugeot (45%). Le groupe PSA a toutefois choisi de son côté de jouer la carte de la transparence en affichant les consommations réelles de ses véhicules calculées selon un protocole réalisé par T&E.
T&E s’inquiète en outre de la progression de ces écarts sur les modèles les plus vendus en Europe. Par exemple, sur le segment B, les modèles de Renault, Peugeot, Volkswagen et Toyota présentaient des écarts moyens situés entre 10 et 15% au début des années 2000. Aujourd’hui, cet écart peut atteindre jusqu’à 42% sur la Renault Twingo ou la Golf de Volkswagen. "La seule exception se trouve chez Toyota chez qui les écarts de consommation restent stables depuis plusieurs années, pour se situer légèrement au-dessus des 20%", indique T&E. Il est par exemple de 22% sur la Yaris mais il frôle quand même les 40% sur Aygo.
CO2 : Pas un seul constructeur n’a réellement atteint ses objectifs
Soumis à une pression réglementaire de plus en plus forte, il est désormais prouvé que les constructeurs exploitent les failles du cycle NEDC pour réduire le niveau de consommation affiché de leurs véhicules. Parmi ces failles, existe notamment la possibilité pour les constructeurs d’effectuer leurs tests sur des véhicules préparés spécialement à cet effet en étant assuré qu’il n’y aura pas de contrôle pour vérifier que les résultats seront similaires sur les véhicules de série avec : l’installation de ruban adhésif autour des portes et des grilles, l’utilisation de pneus à ultra basse résistance au roulement, le réglage de la géométrie, l’utilisation de lubrifiants spéciaux, la réduction du poids du véhicule, etc. Pèse également le fait que pendant l’essai, les équipements énergivores tels que la climatisation, la navigation ou les sièges chauffants restent éteints.
"Tous les principaux constructeurs ont atteint leur objectif européen de réduction d’émissions de 2015 en se fondant sur les tests d’homologation (…) Mais les deux tiers des prétendus gains de CO2 obtenus depuis 2008 sont le résultat de la manipulation des tests", affirme l’ONG. Selon ses calculs, sur l’ensemble des gains de CO2 réalisés entre 2008 et 2015, 25,5g/km sont en fait des "gains de laboratoire" qui ne se vérifient pas sur route. En réalité, le niveau moyen des émissions des véhicules en Europe n’a baissé que de 14,6 g de CO2/km.
Aussi, en se fondant sur les essais sur route, aucun des constructeurs n’a atteint ses objectifs européens d’émissions de CO2. Les plus proches seraient Toyota et BMW qui auraient réalisé respectivement 80% et 75% de l’effort demandé, suivis de PSA qui en aurait réalisé 60%. Derrière, Renault-Nissan et Ford sont à 40% de leur objectif, le groupe Volkswagen à un peu moins de 30%, Fiat à 25% et Daimler à 20%. Le groupe GM a même reculé d'environ 5%.
Utilisation de logiciels fraudeurs ?
Toutefois, pour T&E, l’utilisation de tous ces stratagèmes désormais bien connus ne peut pas suffire à obtenir de tels écarts sur certains modèles. L’association souhaite par conséquent que des investigations soient faites en Europe pour vérifier que des logiciels du type de celui utilisé par Volkswagen aux Etats-Unis pour invalider les tests d’émissions de NOx, ne sont pas également utilisés par d’autres constructeurs pour réduire cette fois les émissions de CO2. "Ces investigations devraient débuter en priorité sur les véhicules du groupe Daimler et du groupe Volkswagen", insiste l’ONG.
Intégrer la démarche RDE au CO2
Pour T&E, le seul moyen de mettre un terme aux abus serait d’intégrer une composante "conditions réelles de conduite" aux futurs objectifs d’émissions de CO2 qui seront attribués aux constructeurs. D’ici 2021, les flottes de véhicules neufs vendus par les constructeurs devront émettre en moyenne 95 g de CO2/km (en cycle NEDC). En 2025, l’objectif devra être atteint sur un cycle plus proche des conditions réelles, le cycle WLTP. Selon les premières propositions évoquées, cet objectif pourrait se situer aux alentours de 80 g de CO2/km en cycle WLTP, soit environ 70 g/km en cycle NEDC. Mais on ne sera toujours pas dans les conditions réellles puisque ce chiffre équivaut sur route à environ 105 g de CO2/km en tenant compte d’un écart de 31% entre le nouveau cycle WLTP et les essais sur route.
Aussi, pour ces futurs objectifs, l’ONG préconise que les constructeurs atteignent les valeurs cibles en matière de CO2 (sur cycle WLTP) et qu’ils respectent également une certaine valeur en conditions réelles de conduite, selon la même logique que les normes RDE sur les polluants. Cette deuxième cible ne devrait pas être de 10% supérieure à la valeur obtenue dans le cycle WLTP.
Cette mesure aurait trois avantages : "limiter l’utilisation des failles des tests en laboratoire, encourager l’utilisation de technologies permettant de réduire les émissions en usage réel et encourager les constructeurs à utiliser des éco-innovations comme les phares à LED".
Article écrlt par Emilie Binois