5.3 millions en fait à bricoler...
Unis dans leurs efforts pour donner un avenir au moteur Diesel, les constructeurs automobiles allemands ont présenté ce 2 août aux autorités fédérales et régionales les termes de leur programme de rappel volontaire de quelque 5,3 millions de véhicules Diesel commercialisés sous l'empire des normes Euro 5 et 6. Objectif, mettre à jour leurs systèmes de dépollution, dans l'espoir d'en diminuer les émissions polluantes de 25 % environ.
La recette ressemble fort à celle que les techniciens du Groupe Volkswagen ont minutieusement mise au point dans les mois qui ont suivi la révélation aux USA de la fraude, en septembre 2015. Et à entendre les assurances données par la VDA, l'organisme professionnel qui représente les intérêts des constructeurs, l'opération semblerait presque aisée. Mais on ne peut s'empêcher de noter qu'aucune précision n'est donnée ce jour quant aux modalités pratiques d'un rappel aussi gigantesque.
Le fonctionnement des vieux Diesel peut être optimisé
Le Groupe BMW évoque ainsi "les connaissances acquises de l'observation des véhicules en circulation entre 2010 et 2015" qui lui permettent de proposer une "optimisation du système de post-traitement des gaz d'échappement pour les 225.000 véhicules Euro 5 en usage en Allemagne". Une mise-à-jour qui — précision utile — pourrait être appliquée à titre strictement gracieux. On parle d'un coût de l'ordre d'une centaine d'euros par voiture.
Suivi par le reste des constructeurs allemands, le Groupe BMW propose donc une mise-à-jour de l'ordinateur qui supervise les quantités d'air et de carburant injectées, ainsi que le volume de gaz d'échappement recyclés dans les chambres de combustion. Déjà pas une mince affaire en soi, ce programme pourrait être accompagné sur certains moteurs par le remplacement de pièces mécaniques. Un peu sur le modèle des remèdes concoctés par le Groupe Volkswagen à l'issue de longs mois d'étude.
Les constructeurs veulent offrir mieux que de la poudre aux yeux
Reste un problème : aussi prometteuses soient-elles, les mises-à-jour informatiques ont sale réputation. Elles ont la fâcheuse tendance d'évoquer dans l'esprit du consommateur les manipulations illégales dont le Groupe Volkswagen s'est rendu coupable.
Bien qu'approuvées par l'organisme d'homologation allemand KBA, les mesures appliquées gratuitement par le Groupe Volkswagen suscitent quelques inquiétudes. En Allemagne notamment, la presse à sensations relaie les témoignages de clients qui déplorent une baisse de tonus, un fonctionnement heurté, voire une hausse de la consommation de leur voiture mise à jour par le réseau Volkswagen, Skoda, Seat ou Audi.
Les magazines automobiles et les associations de protection des consommateurs s'emploient à vérifier la teneur de ces plaintes. Les experts qu'ils ont sollicités admettent que les remèdes techniques composés par le Groupe Volkswagen peuvent avoir des effets variables. En clair, ils marcheraient plus ou moins bien, en fonction du degré d'usure et d'encrassement du moteur.
Et c'est là que le bât blesse : les suies noires n'attendent pas les forts kilométrages pour entamer leur travail de sape des systèmes de dépollution. Les véhicules qui parcourent essentiellement des petits trajets peuvent vite voir leurs émissions polluantes augmenter. Un nettoyage systématique des vieux Diesel pourrait avoir ainsi un effet plus sensible sur la qualité de l'air.
Les constructeurs veulent échapper à l'interdiction du Diesel
Échaudées par les rebondissements de l'affaire du Diesel truqué chez Volkswagen ; alertés par les conclusions des études sur la nocivité des oxydes d'azote émis par même le plus moderne des moteurs Diesel, les maires de quelques grandes villes allemandes — et non des moindres — voudraient interdire ce type de moteur. Soucieux de convaincre les autorités de Munich et de Stuttgart de ne pas en venir à de telles extrémités, les dirigeants de BMW ont proposé au gouvernement de Bavière d'organiser un rappel massif des vieux Diesel en circulation.
Voici deux semaines, ces négociations ont été portées à l'échelon fédéral, tandis que le Groupe Volkswagen, Daimler et Opel choisissaient d'appuyer la proposition du Groupe BMW. De ces discussions est né le plan de sauvetage du Diesel, présenté ce 2 août 2017 par un gouvernement qui anticipe les élections fédérales du 24 septembre.
Le gouvernement veut faire taire les critiques
Il ressort d'une étude d'opinion publiée ce 2 août par Die Welt que trois quarts des Allemands estiment que leur gouvernement entretient des liens trop étroits avec les industriels de l'automobile. Une collusion que l'opposition reproche de manière toujours plus virulente, à l'approche des échéances électorales. Les écologistes comme les défenseurs du consommateur réclament avec insistance l'interdiction de circulation pure et simple des véhicules non conformes à la réglementation communautaire. Greenpeace a surnommé le ministère allemand des transports comme étant le nouveau "Fort NOx", manière d'accuser le Ministre Dobrindt d'être le suppôt du Diesel. L'ONG Transport & Environment (T&E) regrette de son côté que le gouvernement allemand ne profite pas de l'occasion de ce grand forum sur le Diesel pour accélérer la conversion à la propulsion électrique en augmentant les primes à l'achat.
Le Groupe BMW souhaite conserver l'initiative et annonce ce 2 août vouloir proposer aux automobilistes allemands une prime de 2.000 euros pour la reprise d'un véhicule Diesel répondant à la norme Euro 4 (ou plus ancienne). Seule condition, commander une BMW ou une Mini neuve conforme à la norme Euro 6 et n'émettant pas plus de 130 g/km de CO2 (NEDC), ou bien une BMW i3 tout-électrique. Cette offre devrait être officialisée sous peu et démarrer d'ici la fin du mois d'août pour se prolonger jusqu'au 31 décembre 2017.
Le Ministre allemand des Transports Alexander Dobrindt précise ce soir que les autres constructeurs allemands devraient financer à leur tour des primes à l'achat de véhicules neufs, afin d'accélérer la réforme des vieux Diesel.
Dans le même temps, le patron du Groupe BMW Harald Krüger a exhorté les autorités allemandes à dépassionner le débat. Il souligne que la baisse des ventes du Diesel a conduit à une augmentation des émissions de CO2, la première en Allemagne depuis la fin des années 1990. Il invite les politiques à se souvenir que le Diesel moderne émet moins de CO2 que le moteur à essence, parfois même moins de monoxyde de carbone, d'hydrocarbures et de particules. BMW comme Daimler et Volkswagen souhaitent apporter une contribution de 500 millions d'euros à un fonds fédéral pour le développement d'une mobilité respectueuse de l'environnement
https://www.challenges.fr/automobile/actu-auto/l-allemagne-renonce-a-interdire-le-diesel-en-echange-du-rappel-de-5-millions-d-autos_491211#xtor=EPR-2-[ChaActu18h]-20170802